Boum boum du moment
RADIOHEAD
http://www.youtube.com/watch?v=W-j3uAAcyLE&feature=related
Dans les ruelles y a des poèmes qui s'étripent sur les murs, agonisant leurs strophes à l'étranglement du lierre, j'aurais bien carressé chaque pierre de chaque feuille morte pour m'en imprimer la dentelle,
et me sentir vivante , aiguisée à la pointe de tous ces couteaux d'argent qui sortent encore de mes yeux.
Il est pas beau mon métier.
***
Aujourd'hui, une nouvelle vieille. Folle. Vieille et folle.
C'est pas un gros lot même si elle pèse boooonnement 110 kilos.
*
- Tu sais madame en blanc, le chien de ffff criii je cheupeumeuleu dehors j'ai froid guiyaaaa, manger, je veux pas ! pipiiii,
mais enfin Raymond, enfin , enfin ! enfin ! tu crois ?
*
Dans ses beaux yeux verts, plombés de cataracte, y a de l'espoir qui luit , à la source bleue d'un relent de créature, mais je voudrais bien, moi qu'elle me la boive à la source !
Mangez donc , ma chère vieille dame folle et vieille, de cette bonne tambouille mixée, steack haché, purée, beurrée protéinée, saucée, fromagée, toute mélangée regalez vous de cette assiette qui semble déjà régurgitée.
Putain mais vois donc comme Je pleure bien du coeur, à l'intérieur.
*
- Regarde le mur, petite princesse blanche, le monsieur ! checheumeuleu du chat, c'est perdu, hein, je suis où , pas bon, j'ai peur, partir d'ici attachée ? ... Ha maman !
détachez moi, je veux rentrer chezmeuleu moi.
*
Ma chère vieille dame folle et vieille traine toute sa vie dans une valise à trous, ses culottes passionata haha pas passionnantes portent les noms des pavillons, jalonnés de sa pauvre vie de rien,
mozeeert, mozeeeert,
arrêt vivaaaldi, terminus dépotoir des vieux, tout le monde desciiind, même toi la vieille folle, là , au bout de mon doigt,
oué oué toi avec ton gros cul tout ridé de vieille folle à couche,
miouzik in the head, ça fait bigbagada au fond de ses poches, 90 ans comme ça envolés, dans un trou perdu souffrant au fond de ses neurones aphones,
*
- je veux pas dormir là, petite docteur ! je veux mourir, je veux sortir, détache moi, infirmère ! maman ! papa ! juliette ?
qu'est ce qu'on fout là, salope, sale boche ! je te tuerai, lâche moi, je te frappe hein ! il est où mon mari papa, grrrr wou wou,
maman, j'ai froid cheumeuleu ffff chrreu , j'ai chié, je veux pas chier, déchie moi, couvre moi, madame blanche, oui toi, aide moi, laisse moi sortir, je veux m'envoler je veux m'evader, rentrer chez moi, je pourrai être ta grand mère,
salope de boche, garde barrière, poussière, sorcière !
sourcière...
*
Tu sais madame ma vieille,
ma vieille, vieille et folle,
moi aussi je voudrais prendre mon envol.
Tchiiiki Boum du moment :
Veille sur moi (la rue ketanou/ JL Aubert)
http://www.youtube.com/watch?v=AnFNqSdtykI
Hola toi kimeli, alcoolique chronique, fumeur de pétard notoire
rejeton malaimé de plusieurs générations consanguines
si dans plus belle ta vie, ton but ultime,
se marie à la macaren' Alzheimer, sauce Corps de Lewy, korsakoff,
assure toi de ta famille,
avant de laisser ta raison partie en vrille.
Le soleil perce sur nos tenues blanches comme celle des anges, nos sourires sont factices, actrices,
notre coeur devenu dur, notre armure devant ces créatures...
Elles rampent au fond des couloirs comme leurs cris dans notre mémoire,
s'endorment devant leur porte comme des chiens rassis, en fusil, la balle trop près de la glotte.
La bouffe est fantastique, elle arrive en plastique,
ça baise ici à coups de mélancobenzozo,
diazépine, ça se pine, facile, je voudrais baiser moi aussi,
baissons les couches et grattons la merde,
ceux qui la mangent se la partagent, l'amour fou colle aux sièges
et pue la mort, ici.
Vines ici petit, c'est camping paradis
Tu deviens un pion malade de la tête,
un loco, motivé qu'on place et qu'on déplace, tu les feras toutes les chambres, de la plus belle à celle du placard,
le nouveau familié t'arrache ta place, t'es un morceau de viande qu'on véhicule,
celui qui sait écrire t'encule,
à lui la chambre avec vue , balcon béton, le bout de couloir, où ne lui parviennent plus les cris de l'autiste schyzo vieillissant, qui bouffe les mollets en crawlant,
Si c'est bien cela ton projet, plus belle ta life, continue à te rincer le gosier,
te griller les neurones à coup d'eau de cologne,
je te présenterai Freddy Krueger en personne, attaché sur son lit, perceur de cul d'enfant, toujours aussi méchant,
et même la belle mère de blanche Neige qui peigne ses griffes amères, à coups de brosses à dents.
Miwoiiiir, miwoiiiir,
je suiiiiis beeeelle ! beeeeelle !
dixit le croquemitaine,
hiiiin hiiin hiiin hiiiin
Ayeeen danse ! rit, vit !
Et la prochaine fois que tu ramènes, ton joli petit cul de donzelle,
ramène nous un peu de soleil !
hiiiin hiiiin hiiiin.
Tu finiras comme eux tous, the Muppets,
blanc et decharné sur ton lit plein de vomi, mouru étouffé par un de tes congénères, abandonné par ta propre mère, ta femme et tes enfants,
un AVC grelottant, grillé par trop de déconne, à cause de ta bobonne,
dans ta soupe diarrhéique avec un morceau de ta langue en prime, tu finiras oublié, remplacé dans l"heure, et on rira bien de toi en se souvenant de tes branlettes au fond de tes draps,
dans tes délires alcosphériques, épongeant nos propres peurs avec de l'humour qui grince,
nous ne sommes pas des anges, maiss des corbeaux tapis au fond des bois de ta folie,
Mais l'entends tu déjà, d'ailleurs sorti tout droit de l'enfer, ce capharnaüm de rires qui grincent ?
EHPAD GARE DES MORTS
Tou'l mond' desceeeeend !
2011/2012
Le Boum boum du moment
(Les gens quand on ne les regarde pas frédéric recrosio) :
http://www.deezer.com/music/track/17744901
Le seul bruit dans la chambre aujourd'hui c'est le bruit lancinant de la cuillère contre ses dents.
Elle, Personnage de mon histoire, celle que vous êtes en train de lire.
Aujourd'hui, ce 22 mai, pour cinq minutes,
le temps du premier au dernier mot, elle aura quitté sa chambre, quitté ses draps, ce lit infect, elle aura survolé votre conscience. Elle sera redevenue quelqu'un.
L'héroine de notre histoire.
Elle. De dessous la couverture apparait un petit visage tout gris, et froissé. De longs cheveux gris et gras pour toute couronne. ses immenses yeux bleus fatigués lui mangent les joues piquantes. Ce matin, Elle a été rasée.
Ses paupières verdâtres luttent à rester ouverte, rouges et infectées comme des tracés purulents, et ses larmes sont de sang.
Certaines cocos vont à l'essentiel.
Sa bouche est pincée sur l'air qu'elle entend, si petite, toute tordue, maintenue au fond de son lit de secours.
Je regarde au plafond.
Toiles d'araignées, deux fissures, un reste de bagarre. Pas de photo, pas d'horizon, derrière la fenêtre, la haie du mur, tout en bêton.
Je suis là, à côté d'elle debout puis assise à contempler son âme.
Les premiers jours, les questions usuelles sans réponse.
Avez vous froid ? avez vous mal, avez vous soif ?
voulez vous être levée ?
Avez vous envie de courir, de voler, d'un bon steak plutôt que de cette purée dégueulée, de rajeunir, de baiser, de rire, de visages aimés, de vivre putain de bordel de merde ?
Et pas de réponse alors doucement je chantais. Je lui parle souvent du dehors parceque je suis cruelle.
Elle porte le prénom de la naissance du jour.
Depuis quelques temps la vie revient au fond de ses yeux. j'ai pas sauvé son âme hein qu'on s'entende.
Juste que je la confonds pas avec une courgette, moi.
je vois ses petits yeux de fouine apeurée quitter le plafond et suivre mes blancs pantalons. Je me penche, et verse mes yeux dans ses yeux. Sourire. Sourire. De l'écho.
Le sien est fragile. Je voudrai la sortir la porter dehors, dans ems bras, lui faire sentir le soleil sur sa peau.
les collègues de nuit ont veillé sauf dans dans sa chambre. Ca sent la vieille pisse et la merde bien marinées.
Je pense à sa peau déjà écorchée qui doit être encore plus bouleversée.
Qu'a t'elle vécu , avant ma fouine, ma belle abandonnée, des enfants des petits de , un amant, des années, et maintenant un lit pour tout bateau, nos visages en mirage, et la mort qui ne veut pas d'elle.
Le cling de la cuillère contre ses dents me fait sortir de ma rêverie. Le repas est finie, MMe J me sourit.
Un peu de compagnie pour 23 h de solitude.
Un jour, j'arriverai un matin à l'aube et on me dira qu'elle sera morte.
Je ferai sûrement semblant d'être un monstre de ne rien ressentir,
machine à laver, à panser, à nourrir, à déplacer, à replacer, à coucher, à vomir, sans coeur et sur roulettes.
Mes 100 naufragés...
Mai 2012 Unité de Soins Psychiatriques / USLD
Le boum boum du moment
http://www.youtube.com/watch?v=MV_3Dpw-BRY
Des petits casiers accolés, recueils de bouts de nos vies, squelettes de la réalité, avides, dévorant sacs et identités. J'échange mon jour contre ta nuit.
Les trousseaux de cléfs résonnent dans les étages. Certaines portes s'ouvrent puis se referment, il est tôt, le chariot de soins n'a pas encore entamé sa lutte matinale.
Le soleil se lève, luit derrière le barreau des vitres...
Arrive la blanche tribu, toute de bonnes intentions vêtue,
Les traits fatigués, mais le sourire aux dents, d'attaque, pâles, rafraichies, à peine sorties du lit, motivées, heureuses de n'être que de ce côté du lit !
Alors !
Arriver dans ces couloirs muticolores et prendre le tout !
branle-bas humain à bras le corps.
Leur corps,leur merde, leur coeur, leur crasse, leurs mauvais rêves.
Et même un peu de leur folie.
Ils sont comme des coquilles échouées sur le sable, les yeux mi clos, vides de ciel, plein phare horizon Houston, MAYDAY , je répète Mayday, l'agence tous risques,
grognant des hymnes à la conscience et quémandant de l'attention des chiennes de garde. Une gifle, arrosant d'écoulement de muqueuses, des griffes, des cris, des pleurs.
Même leur âme est à la potence, étranglée sous le poids du lève personne, entortillée entre mes doigts,la cervelle déjà dans le fauteuil.
J'ai jamais dit que j'avais un boulot facile.
Mais moi, je sais au moins comment ça se termine...
Boumboum du moment :
http://www.youtube.com/watch?v=cMFWFhTFohk
Pavillon de crevaison - Septembre 2009
CHU -Medecine interne.
Des visages et des corps implantés dans les lits, qui passent dans mon esprit comme on recompte ses morts, des champs de bataille soft, imprégnés d'odeur médicale, là où même le café-clop ne suffit plus tagadap tagadap pour protéger mon âme.
C'est un lieu où la tristesse a repeint les murs, les couleurs vives ne percent plus l'écho des morts.
Tout le monde arrive à reculons. le patient, qui s'accroche fermement à sa valise, valise familiale, valise de l'enfant à naître, des vacances du mois d'aôut, on peut pas mettre sa mort dans la valise pleine de beaux souvenirs de vie.
Le voilà dans le couloir attendant son entrée, tel un enfant adopté par la mort qui n'ose pas encore poser son sac dans son nouveau chez lui, qui ne veut pas croire que son monde a changé, qui ne connait pas sa fin.
Il n'y a pas d'happy chez nous. Vaut mieux aller chez mac Donalds.
Le personnel, même le blanc est terne, les visages fatigués, le désespoir est un masque sanguinolent qui incise l'âme en profondeur.
Les familles, accrochées aux rambardes comme des bouées naufragées, c'est un cauchemar, la fin du monde, ça n'arrive qu'à eux qui sont parmi les autres, ils t'agrippent en pleurant parceque tu es de l'autre monde , tu es la science, la solution, les blancs cocos super héros,
ils ont des yeux plein de vie, ils se prosterneraient devant toi, ils t'attendent puis te détestent, puis te haîssent, nous sommes les gardiens de l'autre monde, outrepassant les codes, les défaiseurs de lasso, il faut savoir lâcher la perche.
Nous sommes dans la matrice. Dans leurs chambres, collées les unes contre les autres, les frères de douleur sont bien égoîstes. Chacun profite de sa petite mort tranquille. La mort, ça ne se vit qu'une fois, c'est un grand évènement, mieux vaut ne pas la louper la première fois.
Le plus dur est de les voir arriver plein d'espoir. Ils sourient et rient, et chantent parfois comme pour provoquer le destin, ils n'y croient pas, ils dénient, ce sont des caoutchoucs, ce n'est pas un film, la mort ça n'arrive qu'aux autres, elasto- mère,
ils la déjoueront, ils se font confiance.
Les traitements sont comme des piquouses d'adrénaline, on y croit, cours !, on y croit, marche ou crève !
on mange,
on respire encore,
on y croit toujours,
chaque jour est un pas vers le bras de fer, un bonbon, un sourire, on s'attache , on s'empoisonne, parceque nous on sait qu'ils sont là pour crever, on les berce, comme des peluches un peu émoussées, on attend la colère, on attend leur colère.
tiliiiing
(il est temps de touner la deuxième page , petit lutin)
Vomissements, épuisements divers et variés, la nourriture ne rentre plus et sort de tous côtés, et à ce moment là de mon histoire , roulement de tambour,
voilà la peur.
Je suis un radeau de secours porté sur une mer déchainée, mes petites attentions pour menotter l'esprit qui s'égare. Accepter, à 30 ans, à 50 ans, qu'on va mourir, c'est quoi d'abord accepter, putain de madre.
C'est quoi alors la mort pour quelqu'un qui n'est pas mouru encore ?
moi, en moi, c'est la fin, la fin de tout, la fin de ce monde ci, et on s'en fout de toute cette histoire de tunnels, de paradis blanc, d'enfers caverneux, parceque quand on meurt, on laisse derrière soi des enfants, des gens qu'on aime, on sait qu'on va les faire souffrir, le coeur implose, le coeur meurt deux fois.
Mourir c'est accepter d'abandonner.
Certains luttent.
Jusqu'au bout il y croient, nos petits guerriers,
c'est un déni à rallonge, ils voient des pas de chaton comme une course de marathon, ils nient les bosses des mélanomes, racontent ce qu'ils feront après (leur mort) quand ils seront guéris, loin d'ici, tout ce qu'ils ont toujours rêvé de faire, des croisères, des vols en hélicoptère, une colection de léoptons,
la construction d'une maison, ils font des projets, avortons pleins d'esprit, oué dans chaque chambre, derrière chaque porte, il y a une bougie qui survit.
Dans les derniers soubresauts, après la colère, après le bras de fer, les prières au seigneur (t'es vraiment un bel enculé toi en passant), ils acceptent.
P'tain, ils acceptent !
Ils acceptent.
C'est l'étape la plus douloureuse. Leur corps se relâche , vague creuse qui attend la marée, comme on accepte la vie au premier souffle, au premier cri, leur corps se relâche,
c'est une longue expiration et enfin ils acceptent la dégradation, ils ne luttent plus, ils attendent, le cervelet en mode Ca,
perclus derrière leur regard flou dans les millions de malles à souvenirs, ils ont fini dêtre humains, à moitié entre deux mondes, et moi, je me sens comme la passeuse.
La mort est déjà là tapie dans un coin de la chambre. Au fond, à côté, au dessus, dans ses bras ?
Tu la sens, tu la vois pas.
L'athmosphère de la pièce a changé. Les maux.
les mots deviennent des mots qui n'ont plus de sens.
Parfois le silence est un trésor.
Parfois la peau est une bénédiction.
Une main, un regard, une présence, attendre avec lui sur le quai du radeau, guetter l'horizon, fouiller dans la brume, lui tenir la main bien fort, et l'encourager à vivre cela de façon sereine.
Vivre sa mort, pff, j'ai pas fait exprès.
Le corps, à ce stade là est un animal meurtri maintes fois écrasé sur une route. Creux, vidé, comme aspiré de l'intérieur.
On pourrait jouer au xylo sur les côtes. Il rayonne. D'une chaleur étrange, accueillante, une boule d'énergie tapie autour de ce corps qui lâche. Comme si ce qui quittait ce corps l'entourait comme une deuxième peau, un dôme, un cocon pour son dernier voyage.
On suit les expirations comme le refrain d'une chanson. A la fin le râle est presque insoluble.
La mort souvent prend son temps, elle respecte son repas comme un bon gastro qu'on se paye une fois par mois. elle savoure, dans son coin, elle a pas payé son ticket de cinéma, sûrement qu'elle se taperait bien le chat potté, elle aussi.
Moi j'ai pas vu d'âme qui s'élève. Il y a un pendant, puis plus.
C'est de la viande. Le rayonnement s'est éteint. la chaleur a réintégré le corps devenu moite, une langue de boeuf sous cellophane, c'est livide, presque irréel, difficile à croire, impossible, l'instant d'après est difficile à digérer.
On regarde ses doigts, ses jambes, on les remue un peu pour s'assurer qu'elles bougent, on fonce devant un miroir, rien n'a changé, on a pas de mort sur soi, ça nous arrivera pas jamais, c'est dans les films que ça arrive, c'est toujours les autres qui meurent à notre place.
Ca n'arrivera pas.
HP - quelquepart sur la terre - pavillon handicap mental
janvier 2011.
Boum boum du moment :
http://www.wat.tv/video/willy-denzey-si-tu-existais-pas-hg84_2g8qj_.html
Le matin, dès l'aube,
à l'heure où banshee la campagne
(faut pas vous la faire, exact ?)
après les lacets délassés, les bois morts et glissants, la porte gronde, grippe, grince,
et c'est le froid des néons qui m'accueille.
je suis laide, le matin, O' roi Néon.
Petit casier pour petit coeur, je range ma vie dans un coin de poche, je sors le matos,
briquet, clopes, bip,
instinct de survie, hein,
j'enfile mon armure, le vestiaire est mixte, mes collègues abondants.
Et parfois bandants aussi.
Il y a du mâle en psychatrie.
Ca rit, ça fume c'est bon enfant, tout ça, c'est encore bien vivant.
A 6 heures du mat'.
Au loin du dessus,
ça remue déjà.
Il y a des choses qui grimpent, qui rampent, et qui grattent à la porte.
I am a legend, et les monstres m'attendent.
le couloir qui mène à l'enfer joue au piano avec mes crocs,
la rampe est comme mon esprit, bling blang, je vidange
j'ai froid, je blinde,
j'entends déjà les coups de langue sur les gonds,
mon cerbère m'attend comme tous les matins au garde à vous sur son unique jambe.
Trousseau de clef, petit matin, je me faufile, courant d'air bleu,
couloirs sombres, clic clac double tour,
je suis la première, l'éveilleuse, l'allumeuse, l'éclaireuse,
des choses se cachent dans les recoins de mon panorama.
Ca meugle, ça beugle, ça appelle, ça attend, ça a faim.
Les giclées de bave sur les vitre font les étoiles de mer au givre, dehors les ombres en nuit noire sont plus rassurantes que la trame de mon histoire.
Deux yeux globuleux m'agrippent, oui deux, quel bol,
pleins de doigts crochus, reniflements morveux, elle serre cette main recroquevillée sur son malaise,
la bouche tordue,
la microcéphalie galopante, c'est l'heure de la douche, elle me tire vers la lumière verdâtre de sa chambre.
Je passe une main dans ses boucles emmêlées, alcôve d'humain, encore un néon strident,
le néon est mort ce soir.
Devant cette nudité deformée, des seins, partout,
des bosses de sein, allégoriques où sont nos surfaces planes, on l'appelera Louise, elle a un sexe, une touffe, parcequ'il s'agit bien d'une femme.
Le front est un affront à la gravité, le nez inexistant, les dents poussent en arrière, en avant,
machoire piranhaïenne, des courbes d'hawaïenne,
elle pousse des cris , elle hurle,
pas de cou, les épaules de faîence, qui s 'insultent, des moignons de doigts, et entre les dents, en transe, un filet de bave épais et chaud qui goutte sur mon gant, la bonne bête est câline.
J'ai toujours détesté les Saint Bernard.
Surtout depuis que j'ai subi une tentative d'attouchement sexuel par un médor de 90 kilos.
***
Atrophie d'humain.
Ce qu'il existe de plus laid au monde est parqué dans ses bâtiments gris, cachés, effacés, au fin fond des forêts, et pourtant ça exige de vivre, de manger, de bouffer, de mordre de griffer, ça exige qu'on l'entende qu'on le voit et qu'on y pense.
Mais ils sont pas à moi ceux là.
Autre chambre, autre horreur, syndrômes de Bourneville x 2, les visages ne sont plus que des amas de dentelle, de pustules sanguinolentes, il n'y a plus de nez, les yeux sont poreux, la cervelle est de moineau, certains je les trouve beaux, les draps sont visqueux, de pus, de sperme, de déjections fécales, tout est collé sur eux, un placenta nauséabond,
mais il faut bien les faire naître, chaque matin, arracher ces bêtes au linceul de la nuit, gargouilles de cauchemars, et leur donner un air moins vicelard.
Foi de luciole, Faut jamais tourner le dos à un saint bernard.
Fauteuils garés en épis le long des couloirs, on se croirait à la foire,
ça se pince, ça se mord, ça s'insulte en mongole.
Deux trisomiques passent entre mes jambes en se grattant les couilles, sur un piedestal le macrocéphale, une vraie star, avec son enorme nouille, syndrôme unique, du moins dans le pavillon, le céphale, pas la nouille,
Harponnage en fin de chambre par une phrase indûment répetée, celui là cause, un seul mot, chaque seconde, de chaque minute de chaque heure, rappel lancinant à la voix rauque,
sons de gorges crachats, odeurs de pets, défilé des sacs de linge, bagarre pour une sombre histoire de lêchage de table, dans un coin ça baise, on a raté la tournée de surveillance, exorciste 2 se tape le neurofibrome, ils s'enroulent et se lêchent dans leur sac de morve, les couches souillées écrasées sur le sol, ils se rampent, s'attachent les polyarthrites, et hurlent à la mort, comme des chien qu'on décolle.
Après dix heures de travail, je deviens folle.
Je voudrais juste qu'il se taisent, arrêtent de grogner, de respirer si fort, de vivre pour rien. Je voudrais les éteindre tous.
Qu'ils arrêtent de bouffer comme des porcs en étalant leur magma mixé sur la table, de se coller des baffes pour une pâte écrasée, déjà mâchée, tombée au sol,
je voudrais qu'il se taisent, tous ces inexistants, ces imbus de personne, ces rebus de famille, collés à leurs fauteuils comme des mouches à merde sur un ruban glue.
Et dans toute cette comédie bestiale, cette viande sans âme qui bouge comme un monceau de zombies égorgés,
survit une lutine, une étincelle, dans cet apocalypse nao. (joli, je trouve) Une fée.
(C'est moi qui le dit, je peux pas m'écraser les couilles moi même.)
Elle arrive à défier le sol de son tronc gracile, elle aurait pu avoir des ailes puisqu'elle n'a pas de membres.
Sa tête toute blonde est si petite qu'elle pourrait tenir dans le creux de mon coeur.
Elle a un surnom qui chante sous les toits et de grands yeux bleux, plus larges que le ciel.
Et vides.
Mais pleins quand même.
Sa voix est une mélodie au milieu des cris, quand elle m'appelle,
"Ayen, Ayen"
Ayen, c'est joli, je veux bien qu'elle m'appelle Ayen, je suis une créature de plus dans son monde informe.
Sûrement qu'elle me voit cauchemardesque moi aussi, si grande avec tous ces membres qui bougent, ces extrêmités en pointe, cette bouche pleine de dents, a t' elle seulement conscience de mon existence
Elle a sûrement la cervelle pleine de flotte,
Elle a une truffe de chiot, les oreilles de Jumbo, mais quand elle passe au milieu du couloir avec sa garde royale, un blanc coco,
au milieu de ses fidèles sujets,
trolls gremlins et autres gargouilles putréfiées en restent bouche bée.
C'est la reine des abeilles, pour un peu on se prosternerait, elle pousse de petits sons rauques, surement qu'elle adoube tout le monde,
la petite mère alien, et c'est un paradis à elle seule dans ce monde sans soleil.
Boum boum du moment :
L'autre peau des blanches, qui s'éveillent au détour d'un café, la même odeur dans l' athmosphère, c'est un nid, les bruits familiers des couloirs tamisés, les portes exit inatteignables, je suis dans le dernier mouroir, c'est leur présent, certains le prennent bien, mais c'est triste souvent même pour moi qui dompte toute cette mort tapie dans les coins.
C'est rassurant aussi. le même rituel chaque matin, le café, la clope au pied du chateau entourée des colombes, mes collègues, mes amies, leurs visages cernés, leur rire qui déraille un peu parfois, mais ça pétille quand même au fond de ces yeux là. Faut bien.
Heureusement que l'humoir noir existe. C'est notre camisole.
Je m'aime en blanc. C'est une famille insondable. Nous ne sommes pas sans coeur, parfois quand même de mauvais humeur, il a toujours ce chariot de soins qui grince, les roulettes du sac dasri, les portes fermées, derrière nos petits vieux endormis, l 'odeur du latex, sur ma blouse, sur mes gants, la paraffine, l'odeur des vieilles pines,
la piqûre de l'alcool entre mes doigts, et puis cet autre univers quand je franchis la porte, cette petite pièce étouffante, où une vieille âme s'étiole, lancinante comme la flamme d'une bougie qui tangue, on m'attend parfois, déjà debout, souvent encore assoupis, si petits et chétifs au fond de leurs derniers lits.
C'est triste de crever dans un endroit qui n'est même pas à soi, avec des gens qui ne te connaissent pas, qui n'ont pas cheminé, qui n'ont pas vécu, qui ne t'ont pas connu jeune, qui n'ont jamais su quel genre d'être humain tu as été, bon ou mauvais, avant de chier dans ton falzard et de perdre ton dentier à table.
Mais souvent les couvertures sont pleines de sourires, de jolis yeux qui flottent, les bateaux reviennent , enfin ils sont à quai, la pêche a été bonne, l'âme redescend, ça c'est encore un jour, et ils se fixent sur moi d'un oeil étonné, quel jour, quelle heure, le matin ? le soir, on ne sait plus , si on s'endort ou si on se réveille,
. ils sont flous ces vieux yeux, ils sont effacés par le temps flêtris, après le sommeil, de bleu azur ils sont passés au gris, comme un ciel où survient l' accalmie troublé par un soleil qui ne sait pas s'il reste où s'il part,
et leur peau parchemine dans les draps anonymes, ils sont là avec leur sourire, et moi je suis l'étoile du matin.
Je l'aime ce rituel. Un bisou à ceux que j'aime. Parfois deux, une caresse sur la joue comme on berce un enfant, ouvrir les volets bien hauts pour faire rentrer le soleil ou la vie peu importe, c'est un jour de plus et c'est déjà ça de gagné. Parfois on me demande de chanter, je fais. Et mon petit monstre tapi au fond de son lit reprend ce vieil air avec moi, décollage vers son cosmos interne,
le souvenir n'est pas très loin, la déprime non, plus, il fut un temps, mon petit monstre était jeune, et ce temps là ne se rattrappe pas.
Pardonner les odeurs, préparer l'eau chaude, le berceau destinée, caresser leur corps comme je ferai pour moi. C'est sûrement inconcevable, pour un autre humain qui n'aime pas les corps, mais nettoyer un corps c'est comme offrir un cadeau, il faut le faire avec plaisir, pour l'autre , pour le plaisir d'offrir la dignité,
un peu de réconfort, même si ça pue, même si c'est infecté, et que ça nous donne la nausée, c'est un cadeau, et offrir des cadeaux, c'est une chose que j'aime faire.
Personne plus ne les touche, mes vieux, à peine un bisou, un enfant déjà vieux qui passe, souvent hypocrite, les yeux fixés sur sa montre, il y en a peu des naufragés d'Histoire, qui sont là et qui aiment ça, qui restent pour eux, mes vieux, pas pour un quelconque acte de présence, et c'est bien malheureux de voir mes autres vieux, ceux qui n'ont jamais de visite, détourner le regard, pour ne pas envier le gâteau, les rires les baisers, je les cocoone deux fois plus encore, mes chiens abandonnés,
parceque je deviens la fille, la petite fille, parfois j'ai d'autres prénoms, je veux bien y croire, je laisse faire, je suis une fée, la colombe, même si au fond, je crois bien que je suis un corbeau.
Moi ce qui me rassure dans tout ça, c'est de me dire que je vais y arriver, un jour , sûrement bien plus tôt que prévu, mais que ma malle Alzheimer sera bien remplie, le monde où je plane, les souvenirs, et mes yeux azur, seront sûrement bleu ciel, comme Désirée, pleins de souvenirs qui flotteront comme des rêves.
Ecrit sous l'influence de la soude caustique.
Faut que je vous parle de ma centenaire préférée, for the rime, on l'appellera Désirée.
Désirée, c'est une mémé qui triche, ça fait trois ans qu'elle a cent ans, mais en fait elle a pas cent ans. elle espère y arriver, c'est encore un de ses fameux projets. Le dernier étant de se lever et de marcher.
Elle aussi de temps en temps, elle se prend pour Catwoman.
Un mois d'hosto.
Donc, Désirée, bientôt cent ans, revenue d'hosto, plus aucune de ses dents en bon état de fonctionnement, 1 m75, comme moi, de toute beauté, sûrement avant,
comme moi, (c'est trop bon de se la péter)
même pas trente kilos, sans être mouillée, et que je porte comme une enfant pour tous les déplacements.
Je suis un super héros, trente kilos,
tout vieux, c'est trente kilos quand même,
et plus fragile qu' la porcelaine
Oui tu peux te prosterner, toikimelis, fais donc, je te permets.
DONC :
(mais ramenez moi quand je m' égare, crevindiou)
je reprends :
Maigre à faire peur, ma Désirée.
Elle a des yeux extraordinaires, ma mémé. Des yeux d'un bleu clair comme de l'eau de roche, une source de science, de vie et d'histoire, parfois floutés, comme dans le brouillard.
(la fameuse boîte merdique à souvenirs, appelez la lune pour voir si vous êtes des hommes)
.***
Et donc, ce matin, ma grande petite vieille, je lui ai dit, vous savez Désirée, que je vous dise, j'ai un amant.
(je m'en fous elle a un syndrôme alzheimer).
C'est sorti tout seul.
On parlait de son mari, avec qui elle avait vécu 75 ans, qui l'avait rendu malheureuse, de sa tripotée d'enfants, qui l'ont oubliée là maintenant,
qui sont malades, vieux et grands, et je lui ai juste dit que j'avais un amant.
(Au moins comme ça t'existe un peu ailleurs que dans cette merdicolique et toute étriquée petite boîte à souvenirs !)
la lune , la lune ! j'ai dit !
le lasso !
***
Le but faut t'il préciser, bien que notre Plan canicule 2011 pour faire de la place à l'Ehpad ait echoué, n'étant pas de la chocker, cardiaquement s'entend, ce qui mettrait si vous suivez un tant soi peu, son projet d'avoir cent ans pendant encore trois ans, à rude épreuve.
C'est dingue , on arrive pas à les faire mourir nos vieux. On laisse trainer des trucs dans les couloirs exprès, on leur donne rien à boire, quand il fait plus de 30 degrés, mais y a rien à faire,
un vieux c'est comme un tique, ça suce la vie du sang, ça persèvere, ça traine ses vieux os en grinçant, noyé dans ses petites habitudes, je te l'ai déjà dit toikimeli que c'est chiant un vieux, et en plus c'est résistant.
Faut faire de la place pourtant, pour les jeunes vieux qui arrivent.
***
(y a des coupures pub aussi au fond de ma tête, t'inquiète.)
Donc ma vieille elle était là, toute nue sous les serviettes, shampouinée de l'Algérie au Zimbabwé, avec son beau sourire tout creux de dents, tout noir, c'est sorti de ma bouche, et elle m'a fait un clin d'oeil.
- moi aussi ma petite, j'ai eu un amant.
(Allo Aloîs ? c'est toi ou Désirée qui me parle ? )
je regardai ce corps tout décharné, laissé à l'abandon par la vie qui s'accroche mais pourquoi , devenu incontrôlable, ces os saillants, ce regard bleu, cette bouche toute noire, ce corps bientôt engoncé dans un change complet taille M bien trop grand pour ses petites cuisses toutes maigres,
mais elle a eu beau regard brillant, je la jalouse, à presque cent ans, elle a eu un amant, c'est uen petite cochonne ma Désirée, l'air de rien derrière ses airs de petite vieille bien sage.
Alors du coup je me sens un peu mieux. On a beau se déjouer d'avec elle, danser le tchatchatcha, se planquer derrière les arbres, ramper sous les murs, on se déjoue pas facilement de sa conscience.
J'avais pas le temps ce matin, la course aux " résident, after résident, evil" ,
grave !
mais demain, Désirée me raconte la suite de l'episode, et j'espère qu'il va y avoir du sexe !
Voilà. C'est tout pour le moment.
Mon Oxygène....
http://www.youtube.com/watch?v=_zZGDPHRwd8
Au vestiaire, je laisse ma peau pour enfiler celle de super héros, je suis toute blanche, la blanche colombe, la blanche coco, la blanche salope, qui remue les malades et soigne les egos, je suis un fantôme d'hosto.
Let me be a dragqueeeeen. Hier on a perdu un patient.
Ce monde à part, où je prends part, à la farandole des horaires des odeurs, des tournées de change, je suis de l'autre côté de la ligne blanche, moi du bon côté, mais parfois je suis fatiguée.
je m'accroche quelquefois aux barres de couloir comme un bateau naufragé, comme ils font ceux qui n'ont plus le pied marin,
je fais celle qui supporte tout, habituée à la maladie et à la mort, mais certains matins,
juste après le soleil, juste après l'odeur du foin coupé,
du premier café,
de la première cigarette, de la tenue d'hôpital toute fraiche et toute prête,
j'ai envie de dégueuler.
Elle était là tapie la mort, dans le coin de la chambre, dans ses yeux revulsés qu'il a fallu refermer.
Sa peau est flasque encore mais tiède, il perd de sa couleur, déjà il y a cette odeur, légère dans l'air,
décompo,
ohhiihooohiihooo
de l'être qui hier encore était un père, un fils avec une histoire.
Ses doutes ses regrets, sa mémoire.
Toilette mortuaire, protection, quelques serviettes pour maintenir le tout, la boîte de l'esprit ravagée, qu' on va bientôt cramer,
que rien ne se casse la gueule avant le voyage pour l'ailleurs,
dans le respect pour cette bouteille sans saveur,
dont on a lu tous les messages, dehors, le soleil continue de se lever , je guette, je m'accroche au rayon pour ne pas m'evader.