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Et après , on me demande de vivre comme les autres.

Mais moi, je sais au moins comment ça se termine...

Boumboum du moment :

http://www.youtube.com/watch?v=cMFWFhTFohk

Pavillon de crevaison - Septembre 2009

CHU -Medecine interne.

Des visages et des corps implantés dans les lits, qui passent dans mon esprit comme on recompte ses morts, des champs de bataille soft, imprégnés d'odeur médicale, là où même le café-clop ne suffit plus tagadap tagadap pour protéger mon âme.

C'est un lieu où la tristesse a repeint les murs, les couleurs vives ne percent plus l'écho des morts.

Tout le monde arrive à reculons. le patient, qui s'accroche fermement à sa valise, valise familiale, valise de l'enfant à naître,  des vacances du mois d'aôut, on peut pas mettre sa mort dans la valise pleine de beaux souvenirs de vie.

Le voilà dans le couloir attendant son entrée, tel  un enfant adopté par la mort qui n'ose pas encore poser son sac dans son nouveau chez lui, qui ne veut pas croire que son monde a changé, qui ne connait pas sa fin.

Il n'y a pas d'happy chez nous. Vaut mieux aller chez mac Donalds.

Le personnel, même le blanc est terne, les visages fatigués, le désespoir est un masque sanguinolent qui incise l'âme en profondeur.

 Les familles, accrochées aux rambardes comme des bouées naufragées, c'est un cauchemar, la fin du monde, ça n'arrive qu'à eux qui sont parmi les autres, ils t'agrippent en pleurant parceque tu es de l'autre monde , tu es la science, la solution, les blancs cocos super héros,

ils ont des yeux plein de vie, ils se prosterneraient devant toi, ils t'attendent puis te détestent, puis te haîssent, nous sommes les gardiens de l'autre monde, outrepassant les codes, les défaiseurs de lasso, il faut savoir lâcher la perche.

Nous sommes dans la matrice. Dans leurs chambres, collées les unes contre les autres, les frères de douleur sont bien égoîstes. Chacun profite de sa petite mort tranquille. La mort, ça ne se vit qu'une fois, c'est un grand évènement, mieux vaut ne pas la louper la première fois.

Le plus dur est de les voir arriver plein d'espoir. Ils sourient et rient, et chantent parfois comme pour provoquer le destin, ils n'y croient pas, ils dénient, ce sont des caoutchoucs, ce n'est pas un film, la mort ça n'arrive qu'aux autres, elasto- mère, 

 ils la déjoueront, ils se font confiance.

Les traitements sont comme des piquouses d'adrénaline, on y croit, cours !, on y croit, marche ou crève !

 on mange,

on respire encore,

on y croit toujours,

chaque jour est un pas vers le bras de fer, un bonbon, un sourire, on s'attache , on s'empoisonne, parceque nous on sait qu'ils sont là pour crever, on les berce, comme des peluches un peu émoussées, on attend la colère, on attend leur colère.

tiliiiing

(il est temps de touner la deuxième page , petit lutin)

Vomissements, épuisements divers et variés, la nourriture ne rentre plus et sort de tous côtés, et à ce moment là de mon histoire , roulement de tambour,

voilà la peur.

Je suis un radeau de secours porté sur une mer déchainée, mes petites attentions pour menotter l'esprit qui s'égare. Accepter, à 30 ans, à 50 ans, qu'on va mourir, c'est quoi d'abord accepter, putain de madre.

C'est quoi alors la mort pour quelqu'un qui n'est pas mouru encore ?

moi, en moi, c'est la fin, la fin de tout, la fin de ce monde ci, et on s'en fout de toute cette histoire de tunnels, de paradis blanc, d'enfers caverneux, parceque quand on meurt, on laisse derrière soi des enfants, des gens qu'on aime, on sait qu'on va les faire souffrir, le coeur implose, le coeur meurt deux fois.

 Mourir c'est accepter d'abandonner.

Certains luttent.

 Jusqu'au bout il y  croient, nos petits guerriers,

c'est un déni à rallonge, ils voient des pas de chaton comme une course de marathon, ils nient les bosses des mélanomes, racontent ce qu'ils feront après (leur mort) quand ils seront guéris, loin d'ici, tout ce qu'ils ont toujours rêvé de faire, des croisères, des vols en hélicoptère, une colection de léoptons,

la construction d'une maison, ils font des projets, avortons pleins d'esprit, oué dans chaque  chambre, derrière chaque porte, il y a une bougie qui survit.

Dans les derniers soubresauts, après la colère, après le bras de fer, les prières au seigneur (t'es vraiment un bel enculé toi en passant), ils acceptent.

P'tain, ils acceptent !

Ils acceptent.

C'est l'étape la plus douloureuse. Leur corps se relâche , vague creuse qui attend la marée, comme on accepte la vie au premier souffle, au premier cri, leur corps se relâche,

c'est une longue expiration et enfin ils acceptent la dégradation, ils ne luttent plus, ils attendent, le cervelet en mode Ca,

 perclus derrière leur regard flou dans les millions de malles à souvenirs, ils ont fini dêtre humains, à moitié entre deux mondes, et moi, je me sens comme la passeuse.

La mort est déjà là tapie dans un coin de la chambre. Au fond, à côté, au dessus, dans ses bras ?

Tu la sens, tu la vois pas.

 L'athmosphère de la pièce a changé. Les maux.

les mots deviennent des mots qui n'ont plus de sens.

Parfois le silence est un trésor.

Parfois la peau est une bénédiction.

 Une main, un regard, une présence, attendre avec lui sur le quai du radeau, guetter l'horizon, fouiller dans la brume, lui tenir la main bien fort, et l'encourager à vivre cela de façon sereine.

Vivre sa mort, pff, j'ai pas fait exprès.

Le corps, à ce stade là est un animal meurtri maintes fois écrasé sur une route. Creux, vidé, comme aspiré de l'intérieur.

On pourrait jouer au xylo sur les côtes. Il rayonne. D'une chaleur étrange, accueillante, une boule d'énergie tapie autour de ce corps qui lâche. Comme si ce qui quittait ce corps l'entourait comme une deuxième peau, un dôme, un cocon pour son dernier voyage.

On suit les expirations comme le refrain d'une chanson. A la fin le râle est presque insoluble.

 La mort souvent prend son temps, elle respecte son repas comme un bon gastro qu'on se paye une fois par mois. elle savoure, dans son coin, elle a pas payé son ticket de cinéma, sûrement qu'elle se taperait bien le chat potté, elle aussi.

Moi j'ai pas vu d'âme qui s'élève. Il y a un pendant, puis plus.

C'est de la viande. Le rayonnement s'est éteint. la chaleur a réintégré le corps devenu moite, une langue de boeuf sous cellophane, c'est livide, presque irréel, difficile à croire, impossible, l'instant d'après est difficile à digérer.

On regarde ses doigts, ses jambes, on les remue un peu pour s'assurer qu'elles bougent, on fonce devant un miroir, rien n'a changé, on a pas de mort sur soi, ça nous arrivera pas jamais, c'est dans les films que ça arrive, c'est toujours les autres qui meurent à notre place.

Ca n'arrivera pas.

Ecrit par Gobbo, le Lundi 28 Novembre 2011, 12:31 dans la rubrique Hostopathie.

Commentaires :

visiteur pas égaré
29-11-11 à 12:16

Respect. Tu peux leur dire effectivement, après le bras de fer, le "Notre Père".